LES PATRONYMES ET LES SURNOMS
En Guinée, les sobriquets sont d'usage courant et les générations qui se succèdent semblent le perpétuer mais chacun à sa manière et selon la mode du jour.
A l’origine, il fallait bien différencier les membres d'une grande famille, d’un quartier, d’un lieu de travail ou d’une classe qui avaient des homonymes. Dans les familles, on les différencie parfois par rapport au teint (quand l’un est clair et l’autre noir), on dit ainsi Abou Fikhè ou Abou Förè ; parfois par rapport au poids (Oumar khoumbgé) ; parfois par rapport à l’âge (Fatou mökhi ou Fatou lanma) ; etc.
Dans les classes d’écoles, surtout à l’approche des examens, afin d’éviter toute confusion au niveau des PV, on rajoute le nom de la maman (Abdoulaye Bountouraby SYLLA par ex.), du lieu de naissance (Mamadou Fria BAH par ex.) ou tout simplement on leur attribuait des numéros : on ainsi vu Barry I, Barry II, Barry III, etc.
D’autres doivent leur surnom à leur ressemblance avec quelqu’un de célèbre tels que Tshombé, Kabila, Tshidimbo, Edenté, etc.
A l’usine, ils sont nombreux à avoir ici des noms liés à leur lieu de travail: Barry Cités, Barry IBM, Diallo Piscine, Sow Sécurité, Sow Horticulture, Barry Labo, Barry comptabilité, Barry Barrage, Morlaye Catégorie, Amara Transport, Ali Equipco, Sow injection, Nabi Peugeot, Baldé infirmier, Baldé comprimé, Camara Pharmacie, Abou Manutention, Sékou Dynam, Ousmane Carrière etc.
Une des causes est qu'en Guinée, plus de la moitié des patronymes sont du groupe: Camara, Sylla, Bangoura et Soumah ou leurs équivalents peuls: Diallo, Baldé, Sow et Barry. Les prénoms étant généralement presque les mêmes aussi, il a fallu rajouter une distinction particulière pour mieux les identifier.
Pour la génération avant la nôtre qui aimait faire la fête dans les années soixante et qui appréciait particulièrement la rumba et la salsa venues de Cuba, on penchait plutôt pour les noms à consonance espagnole. C’est ainsi qu’on a souvent entendu les noms comme Oscar, Pablo, Alvarez, Sancho, etc. Après les premiers succès du Hafia Football Club, ceux de notre génération n’avait d’yeux que pour les footballeurs (brésiliens surtout) et aussi les acteurs de cinéma (western et films d’action). D’où les noms : Zito, Pelé, Garrincha, Platini, Kopa, Alonzo, Becken, Ivic, Dakino, etc. pour les footballeurs et Jean Gabin, Jerry Coton, Rambo, Fantômas, Hercule, etc. pour les héros de cinéma.
Il y a aussi eu des diminutifs rajoutés à certains noms : les Camara devenant Camus, Baldé devenant Baldez, Bangoura devenant Bangus, Barry devenant Barristo, et Kaba devenant Kabisco, Abdoulaye devenant Ablo, Dalanda devenant Linda, etc.
Aujourd’hui, la jeunesse qui rêve plus des Etats-Unis et d’une carrière de rappeur adopte plus les noms des stars américaines du rap ou rajoute simplement le préfixe de MC à leur patronyme en prenant parfois soin de l’occidentaliser pour faire que ça sonne mieux à l’oreille.
Que nous réserve la tendance pour demain ? Peut-être aura-t-on un jour l’occasion de dire Raymond GE, Raymond Forum ou encore Noel Friainfo. L’avenir seul nous le dira.